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LE SÉNAT DÉCORTIQUE 15 ANS DE LOI AILLAGON ET POSE DES JALONS A SES POTENTIELS AMENDEMENTS

Mécénat .

Publié le 29 août 2018

Alors que la Loi Aillagon du 1er août 2003 fêtait ses 15 ans dans un contexte tendu pour la générosité, la question de son impact sur la culture et de ses évolutions potentielles est au cœur d'un rapport du Sénat. En attendant celui de la Cour des Comptes...

Après la générosité des particuliers, celles des entreprises serait-elle aussi sur la sellette ? Le titre du rapport de la Commission de la Culture, de l'Education et de la Communication du Sénat présenté fin juillet est rassurant : "Le mécénat : outil indispensable de la vitalité culturelle". Indispensable oui, mais jusqu'à quel point (fiscal) ? Car si ce rapport ne se penche que sur le secteur culturel - création de la loi par un ministre de la Culture oblige – c'est l'ensemble des champs du mécénat qui semblent passés indirectement au crible. Le mécénat et son avenir fiscal, même si, note le rapport "cette loi ne saurait être réduite à un arsenal de dispositions fiscales (...)", et a aussi favorisé une évolution des mentalités et de l’image du mécénat.

Le document note ainsi d'indéniables impacts positifs sur l'engagement des entreprises au bénéfice de la culture et reconnait la "nécessité d'un recours à une combinaison de financements publics et de financements privés" pour garantir la pérennité des projets culturels aujourd'hui. Mais il souligne en creux que c'est bel et bien l'Etat qui reste "de fait, le premier contributeur des actions de mécénat du fait de la perte de recette fiscale" et réaffirme la nécessité de l'encadrement strict des opérations de mécénat – notamment concernant les contreparties délivrées – pour "éviter toute dérive".

Le rapport s'interroge notamment sur la création, par de grands groupes industriels français, de fondations culturelles qui portent leur nom. Une pratique qui "interpelle au regard tant des moyens financiers de ces grands groupes que des gains qu’ils en retirent en termes d’image de marque", et pour laquelle il pourrait être envisagé de fixer un plafond à la réduction d’impôt. Une suggestion dont le rapport reconnait le risque d'effet dissuasif sur des projets participant réellement à l'attractivité culturelle du pays, ces opérateurs "disposant de moyens financiers sans égal parmi les opérateurs de l’État, ce qui leur permet d’organiser des projets inédits".

La mission d'information, pose par ailleurs sept grandes conclusions à son rapport :

- "Le mécénat n’a pas vocation à compenser le désengagement de l’État". Le rapport s'inquiète ainsi de la propension croissante d'établissements publics à avoir recours à la collecte de fonds, créant "des effets d’éviction en ce qui concerne d’autres projets, qui ne jouissent pas du même pouvoir d’attraction".

- "Un manque de données problématique". Il paraît extrêmement délicat, souligne le rapport, d'évaluer correctement l’efficacité de la dépense fiscale et d’engager une réflexion sur son éventuelle évolution, sans connaissance précise des effets du dispositif sur le secteur culturel.

- "Un potentiel de dons qui peut encore être accru". Un point qui analyse la pertinence du seuil de déductibilité à 0,5% du chiffre d'affaires, loin d'être atteint pour les grandes entreprises mais un frein potentiel pour les TPE et PME. Le rapport suggère de conserver ce plafond mais d'instaurer une franchise à 10.000 € de dons afin d'inciter les plus petites entreprises à développer leur mécénat.

- "Le nécessaire développement du mécénat territorial" afin d'éviter que les inégalités culturelles ne se creusent. Le rapport enjoint ainsi les collectivités territoriales à "se saisir de cette question à bras le corps", en développant notamment des clubs d'entreprises mécènes.

- "Une multiplicité des régimes des fonds et fondations qui peut se révéler dissuasive", le rapport notant particulièrement le succès du fonds de dotation en 2008 et soulignant en miroir le régime de la Fondation Reconnue d'Utilité Publique et son "caractère excessivement contraignant, qui mériterait d’être revu, la France continuant à accuser un véritable retard en matière de fondations par rapport à l’Allemagne ou au Royaume-Uni".

- "Des inquiétudes fortes autour des récentes réformes fiscales", notant bien les "conséquences dramatiques" des réformes fiscales sur le niveau des dons (transformation de l'ISF en IFI, spectre du prélèvement à la source), le rapport note l'importance de trouver les moyens de "contrer les effets de ces réformes sur le secteur de la philanthropie", sans pour autant suggérer de piste concrète en ce sens...

- "Soutenir le développement du mécénat de compétences", avec quelques bémols toutefois : le risque que les entreprises ne survalorisent le coût des compétences des salariés bénévoles ou celui que celles mettant des compétences à disposition ne puissent être ensuite privilégiées à l’occasion d’un appel d’offres public.

La mission d’information réaffirme enfin que "le maintien des dispositifs destinés à encourager le mécénat des entreprises comme des particuliers revêt un enjeu considérable pour l’avenir du financement de la culture". De fait, rappelait Françoise Nyssen, ministre de la Culture, à l'occasion de l'anniversaire de la loi en début de mois, le volume global du mécénat bénéficiant de ces dispositifs est passé de 1 milliard d'euros en 2004 à près de 4 milliards aujourd'hui (particuliers et entreprises confondus).

Reste à se demander ce que la Cour des comptes finira par tirer de tout cela : elle a demandé à la Commission des finances une étude sur la dépense fiscale du mécénat dont Gilles Carrez, déjà auteur d'amendements (retirés) en 2011 sur la limitation de la déduction fiscale sera le rapporteur. Le sujet devrait être au cœur de la conférence AFF pour le secteur culturel les 7 et 8 novembre prochains.

 

A lire en complément sur le sujet :

- la synthèse complète du rapport sur le site du Sénat

- l'interview de François Debiesse, Président d'Admical, dans Les Echos

- la réaction de France Générosités

- le dossier de La Croix (abonnés uniquement)

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