Philanthropie américaine : la guerre des noms fait rage

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Renommer un lieu du nom du mécène qui l'a financé ? Le procédé est commun dans le fundraising. Mais n'est pas sans poser problèmes.

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Aux Etats-Unis, c'est une véritable « guerre des noms » que se livrent aujourd'hui les grands mécènes. Dans une tribune passionnante publiée sur Slate.com, l'éditorialiste Felix Salmon a qualifié cette surenchère de « plutôt répugnante » (« kind of gross »).

Il revient sur la récente affaire du Lincoln Center. Le centre culturel new yorkais a accepté de payer la somme astronomique de 15 millions de dollars à un ancien donateur (qui avait lui-même donné 10 millions de dollars en 1973), pour avoir le droit de débaptiser le Philharmonic Hall (qui portait le nom du mécène en question), afin de le « remettre aux enchères » pour d'autres mécènes. But de l'opération : faire restaurer ce hall du Lincoln Center dont les travaux ont été estimés à 500 millions de dollars alors que, sur le « marché » de la philanthropie américaine désormais, « collecter un demi milliard sans pouvoir proposer de renommer les structures au nom des mécènes, est invraisemblable et impraticable ».

La suite de l'histoire semble donner raison à ce constat. David Geffen, célèbre philanthrope dont le nom est accroché à nombre de frontons d'institutions culturelles ou médicales aux Etats-Unis, s'est ainsi arrogé le fronton du Philharmonic Hall en échange d'un don de 100 millions de dollars sur huit ans, au Lincoln Center. Notons qu'en 2021, quand le Hall réouvrira au nom de Geffen, le mécène n'aura même pas fini de payer son don...

Ce genre d'affaires se multiplient aux Etats-Unis, regrette Felix Salmon, qui déplore que les institutions faisant appel au mécénat « monétisent leurs bâtiments comme les équipes de sport vendent le nom de leurs stades aux plus offrants ». Il en déduit que, dans les cas où un mécène paie pour avoir son nom sur un bâtiment, « la majeure partie du don ne devrait pas donner lieu à une réduction d'impôt. La philanthropie est une façon de rendre le monde meilleur, et pas […] une façon d'essayer de tailler le monde à son image pour la postérité ». Voilà qui est (bien) dit.

 

Illustration : ©HauteLiving.com

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